Le mot est sur toutes les lèvres : COVID19.

On ne parle que de lui, ce petit virus couronné.
En tout cas, il l’a bien mérité sa couronne car c’est le roi des fouteurs de merde !

Plus sérieusement, dans ce contexte, nous avons pris la décision d’écourter notre tour du monde et de rentrer au bercail.

Non, nous n’avons pas particulièrement peur de ce virus mais voici en détail l’enchaînement des événements qui ont précipité notre décision alors qu’il nous restait 2 mois et demi de voyage.

Pour comprendre cette décision, il faut remettre les choses dans leur contexte.
Nous nous trouvions en Argentine, à El Calafate plus précisément.
Nous sommes le 17 mars, le président argentin annonce une mesure de confinement national et à 17h30, le premier cas de coronavirus est détecté chez un touriste français à El Calafate.
Jusque là, tout allait bien, aucun cas n’était confirmé dans la province et nous attendions sagement que la crise passe.
Autre détail, non des moindres, les parents de Sam nous ont rejoint le 12 mars date à laquelle le pays s’est agité.
Avant le 12 mars, je me souviens encore de conversations téléphoniques avec nos proches affolés disant : “Ne vous tracassez pas, ici, tout va bien ! On ne parle pas du coronavirus, ni de quelconques mesures”.
C’est fou de le dire mais nous étions complètement coupés de tout cela, alors que la psychose s’emparait de l’Europe.

Voici comment les événements se sont enchaînés.

11 mars

Nous prenons un bus de Puerto Varas au Chili à 7h30 du matin et arrivons à San Carlos de Bariloche en Argentine.
Nous passons la frontière terrestre sans soucis, sans aucune question posée.

12 mars

Les parents de Sam sont arrivés à Buenos Aires avec quelques heures de retard pour des soucis météorologiques et ratent donc leur avion pour San Carlos de Bariloche, là où nous les attendons.
Leur vol arrive à 20h30 au lieu de 15h, nous patientons tranquillement dans notre petit appartement. Tous nos amis nous demandent si les parents de Sam sont partis et blaguent en disant qu’ils ne pourraient certainement pas revenir.
On leur répond que ces des bêtises, pourtant ils ne sont pas loin de la réalité.
A 20h, nous prenons le taxi pour aller les chercher à l’aéroport. Dans le taxi, nous entendons que le président annonce des mesures contre le coronavirus car 4 cas ont été diagnostiqués en Argentine.
De plus, tous les vols venant d’Europe sont interdits et une quarantaine obligatoire de 14 jours est imposée à tous les ressortissants venant des zones infectées, dont l’Europe donc.
Les parents de Sam sont arrivés 6h plus tôt, ils passent tout juste à temps.

13 mars

Nous vivons notre vie comme si de rien n’était, nous participons à une excursion et personne ne parle de coronavirus à San Carlos de Bariloche.

14 mars

Nous arrivons à l’aéroport pour prendre un vol pour El Calafate sans aucun contrôle à l’aéroport, personne ne nous demande d’où nous venons et quand nous sommes arrivés sur le territoire.
Par contre, notre vol est retardé, toujours à cause de la météo à Buenos Aires, d’où provient l’avion.
A ce moment, j’ai un mauvais pressentiment. Je décide d’annuler les réservations d’hôtels à Puerto Natales et à Torres del Paine au cas où. Comme j’ai eu raison !

J’avais réservé un hôtel juste avant la frontière à Rio Turbio en me disant, que sur place, on aurait plus d’informations.
Le premier hic est que l’agence Hertz où nous avons loué la voiture, ne nous délivre pas le permis de traverser la frontière pour aller au Chili.
Le monsieur au comptoir nous explique que l’Argentine risque de fermer ses frontières terrestres et qu’il est trop risqué de se rendre au Chili.

Nous décidons tout de même de parcourir les 300 kms en se disant que nous verrons du paysage et qu’il doit y avoir des choses avoir à Río Turbio. Nous avions raison pour le 1er point. Le paysage est sublime et nous croisons tour plein d’animaux ! C’est superbe.
Nous arrivons à l’hôtel à 19h30, et allons directement manger au restaurant recommandé par la dame qui nous accueille. Elle nous recommande en fait le restaurant de l’hôtel que j’avais réservé à la base et qui a annulé notre réservation. Ce qui est bizarre, c’est qu’il affiche complet mais il n’y a personne.
On s’installe, on prend un verre, deux verres et ainsi de suite. On mange et on passe une très bonne soirée. Quand soudain, le serveur nous demande la date de notre arrivée en Argentine. Nous lui expliquons que Sam et moi venons du Chili et que ses parents sont arrivés 2 jours plus tôt.
Autre mauvaise nouvelle : je reçois un mail de mon contact pour l’Antarctique me disant que la croisière est annulée, j’ai envie de pleurer.

Quand nous voulons quitter le restaurant pour rentrer à notre hôtel, on nous empêche de quitter en disant que l’immigration et le service sanitaire doit venir nous examiner. Là, on manque d’éclater de rire.
On a pas ri longtemps.
La police a débarqué, nous a contrôlé et ne nous laissait pas partir.
On est resté 2h retenus dans le hall de l’hôtel. Quand nous sommes sortis, il y avait 4 voitures de police et des reporters. Dois-je préciser qu’on est dans un bled perdu ?Bref, on était pas à l’aise. En rentrant à l’hôtel, la petite dame nous accueille car elle nous attendait toute tracassée.
Il est 1h30 du matin et elle est dans tous ses états car nous faisons la une de la presse locale.

Elle est scandalisée car les reporters racontent que nous sommes Anglais et potentiellement positifs au coronavirus. N’importe quoi. Je suis révoltée. Elle m’envoie le lien de la publication sur Facebook et là, je suis sidérée. Les gens sont en panique et un des commentaires disait même : “Si c’est des Anglais, tuez-les !”.
Elle nous explique aussi que nous avons été dénoncés à la police par nos voisins de table. Sympa. Je ne vous dis pas la nuit que j’ai passé…

15 mars

Nous avons donc déguerpi de ce bled où il n’y a rien à voir, pour retourner à El Calafate le lendemain en se faisant discrets.
J’ai réservé un hôtel un peu en dehors du centre de El Calafate pour les 2 prochains jours avec petit déjeuner compris et un restaurant sur place. Juste au cas où…
Nous mangeons au restaurant le soir, en passant une très bonne soirée, l’ambiance ici est très sympa et relax.
A 22h, news flash, le président prend de nouvelles mesures dont la fermeture de tous les parcs nationaux du pays jusqu’à nouvel ordre.

16 mars

C’est en ce jour que nous nous disons que les parents de Sam doivent rentrer.

Je contacte Pauline à l’agence de voyage RTK Travel de Waremme pour faire changer la date de leur vol retour mais les lignes sont saturées, impossible de les joindre, c’est la panique générale.
Je contacte l’ambassade de Belgique à Buenos Aires pour voir s’ils ne peuvent pas nous aider pour les vols des parents de Sam. Ils nous disent qu’il faut prendre une décision dans les jours qui suivent : soit rentrer, soit rester en sachant qu’il y aura de moins en moins de vols commerciaux. Nous décidons avec Sam que nous allons rester à El Calafate jusqu’à temps que la situation se calme et que les parcs ré-ouvrent puis nous aviserons. Nous allons nous promener à pieds et puis en voiture dans les environs pour profiter des magnifiques paysages, même si les parcs sont fermés. Nous recevons des nouvelles de mon contact pour Antarctique disant que les bateau argentins effectuent le voyage. De plus, il y a de la place sur une croisière aux mêmes dates que celles prévues initialement, on est tous contents !
Le soir, nous voulons aller manger à l’hôtel juste à côté du notre pour un peu changer. On se fait jeter hors de l’hôtel par le réceptionniste qui nous dit que nous devons être en quarantaine.
Nous sommes choqués et lisons le papier qu’il nous donne.
La mesure de quarantaine devient rétroactive à partir d’aujourd’hui et inclus le Chili comme zone à risque. Le tout, effectif depuis hier à minuit… Et merde…

La ça commence à sentir le roussi. On se dit qu’il faut que les parents de Sam rentrent absolument. Car la quarantaine signifie qu’on ne peut pas sortir de notre chambre mais le personnel de l’hôtel nous laisse tout de même manger au restaurant.

17 mars

J’attends des nouvelles de Pauline pour la modification des billets retour des parents de Sam, initialement prévu le 30 mars.
Mais toujours pas de nouvelles de Swiss Air.
Je recontacte l’ambassade pour voir s’ils ne savent pas faire quelque chose pour eux. Nous restons cloîtrés dans notre chambre toute la journée.
Nos seules distractions étant les repas déposés devant la porte, la jolie vue sur le lac Argentino et les appels WhatsApp avec les parents de Sam.

Le soir, de nouveau une annonce du président. Cette fois ci, le pays passe en confinement complet et les aéroports de tout le pays arrêtent les vols internes à partir du 20 mars et ce, jusqu’au moins le 24 mars.
C’est là que j’ai contacté Pauline pour qu’elle leur trouve de nouveau billets d’avions. Car s’ils ne partent pas demain, on ne sait pas quand ils partiront. De plus, avec la mesure de quarantaine, on a le droit de sortir, si et seulement si c’est pour reprendre le vol qui nous ramène dans notre pays d’origine. Au risque de se prendre une amende salée, de se faire mettre en prison puis déporter ! Donc impossible de juste quitter El Calafate en se disant qu’on verrait bien à Buenos Aires!
Pour couronner le tout, lorsque je contacte le gars a la réception, il me demande quand nous partons car, ici, ce n’est pas chez nous et ils vont fermer l’hôtel.

18 mars

Il est 4h30 du matin, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit.
Surtout que Pauline m’a trouvé des vols à prix abordable pour retourner sur El Calafate le 19 mars et sur Bruxelles via Sao Paulo et Madrid le 21 mars.

C’est à ce moment là que j’ai pris la décision que nous rentrerons tous ensemble en Belgique.
La situation devenait critique, les Argentins commençaient à se montrer hostiles envers nous car ils disent que les gringos sont les responsables du coronavirus.
Je me suis également dit que si nous ne prenions pas un des derniers vols commerciaux en suivant la recommandation de l’ambassade et du ministère des affaires étrangères, ils ne nous supporteraient pas si on avait des problèmes plus tard.
De plus, si nous avions un problème sérieux demandant une hospitalisation, je pense que les Argentins ne mettrait pas longtemps à se décider pour sauver un Argentin ou nous les gringos.

J’ai donc réservé 4 vols mettant fin à notre épopée.
J’ai ensuite contacté l’ambassade pour qu’ils me dictent la marche à suivre à Buenos Aires pour ne pas avoir de problèmes avec la police.
La dame au bout du fil m’a dit qu’en effet, la situation devenait critique à El Calafate, et qu’il valait mieux qu’on y reste pas.
Elle nous a donné un nom d’hôtel et d’appart hôtel qui accueillent les étrangers en quarantaine car je me suis déjà fait refoulée 3 fois. Le soir, quand nous avons voulu commander à manger au réceptionniste, il nous a dit qu’ils ne servaient rien car l’hôtel ferme le lendemain. On a heureusement trouvé un restaurant qui livrait, sinon on avait rien à manger.

19 mars

Sublime lever du soleil aujourd’hui, El Calafate nous souhaite bon voyage.

On nous amène un piètre petit déjeuner devant la porte de la chambre puis nous remballons nos affaires pour partir à 8h.
Quand on sort de notre chambre, les employés qui restent nous traitent comme des pestiférés alors qu’ils discutaient avec nous 2 jours avant.
On est vraiment plus les bienvenus et on se fait mettre donc dehors car l’hôtel ferme derrière nous.
On se fait arrêter à la sortie de la ville par des policiers qui nous demandent où on va. Vu qu’on va à l’aéroport, ils nous laissent passer.
On arrive à l’aéroport qui est bondé. C’est la folie. Le parking de voitures de location déborde, des gens campent dans le hall et la file pour la liste d’attente de réservation de billets fait 20m de long. C’est le chaos.

Avant de pouvoir faire le check-in, on doit passer un contrôle médical car sans certificat médical, il est interdit de quitter la ville.

Nous arrivons à Buenos Aires, prenons un taxi et allons directement à l’appart hôtel. On s’installe, on souffle un coup.
L’ambassade me demande par WhatsApp si on est bien arrivés, ils sont vraiment hyper impliqués, ça fait plaisir.
On commande une cargaison de bière et des burgers par Rappi (le Uber Eats local) puis on se fait soirée cinéma Netflix avec “Le Grand Bain”.
On est interrompus à 21h par des bruits dehors. Quand on sort sur la terrasse, on se rend compte que tout le monde est sur sa terrasse, siffle et applaudit pour soutenir le secteur médical. C’est vraiment incroyable et émouvant à la fois. Ce fut une bonne soirée.

20 mars

Nouvelle annonce du président : L’Argentine passe en quarantaine générale pour tout le monde.

Il est vraiment temps qu’on se barre !

La journée passe tranquille, posés, entre Netflix, lecture et le blog.
Je commande a manger sur Rappi, même si la majorité des restaurants sont fermés. L’humeur générale est moins bonne, on se réjouit de quitter le pays demain.
L’ambassade m’a contacté à 20h pour me dire qu’un vol a pu être affrété avec Air Belgium pour rapatrier les Belges qui n’ont pas trouvé de moyens de rentrer pour le lendemain à 13h30.
Nous avons déjà un vol, j’ai fait le check-in, je leur répond que nous laissons notre place. Mais quand même, encore une fois, je suis positivement surprise par les efforts mis en œuvre par l’ambassade et le gouvernement belge.

21 mars

Le grand départ.

On ne se rend pas bien compte de ce qu’il se passe.
On trie nos sacs, on les ferme pour la dernière fois.

On prend un taxi pour l’aéroport où on arrive sans encombre.
Il n’y a pas un chat dans les rues de Buenos Aires, à part les taxis.

Après le contrôle de température réussi à l’entrée du Terminal, on enregistre nos bagages jusqu’à Bruxelles puis on va s’installer à la gate.
L’aéroport est presque désert, il ne reste que des vols pour Sao Paulo et Santiago du Chili.

Notre vol se passe bien.
A l’arrivée, le contraste entre l’aéroport de Sao Paulo et les Buenos Aires est frappant.
Tout le monde se promène et tous les magasins sont ouverts comme si de rien n’était car le Brésil n’a pris aucune mesure.
On s’envole pour Madrid, soulagé d’arriver en Europe.

22 Mars

Arrivée à Madrid et c’est le choc.

L’aéroport est vide. Je n’ai jamais vu ça de ma vie.

Nous changeons de terminal, tous les gens se tiennent à distance en se regardant de travers.
Notre vol pour Bruxelles à l’heure, nous arrivons en Belgique à 18h30.
Triste journée et triste anniversaire. Les attentats, c’était il y a 4 ans.
Nous sommes le seul vol qui arrivons, nous sommes hors de l’aéroport en 10min.

La Belgique nous offre un merveilleux coucher de soleil, comme pour nous accueillir.

J’ai comme l’impression qu’on s’est envolé vers notre prochaine destination. Sauf que c’est la maison.

Enfin, pas tout à fait… Vu que notre appartement est loué jusqu’au 1er juin, nous allons chez les parents de Sam en attendant. Le fait de revoir nos proches et amis n’est pas une raison de nous réjouir car nous serons 15 jours en quarantaine complète mais bon, on sera quand même un peu chez nous.

Je ne sais pas encore à l’instant où j’écris ces lignes si rentrer était la bonne décision mais nous ne nous sentions plus en sécurité. La sécurité et la santé n’ont pas de prix à mes yeux (mon slogan est toujours “safety first!”).

L’avenir nous dira combien de temps cette crise va durer et combien de temps nous aurions été bloqués. Ce qui compte, c’est que nous allons bien, que nous avons vécu un rêve éveillé pendant 9 mois et demi (sur 12, ce n’est déjà pas si mal !) et que nous sommes toujours ensemble 🤣😁 (je défie mes amis en couple de partir comme nous l’avons fait 😉).

À nous maintenant de ne pas retomber dans la mortelle routine et de faire de notre quotidien une nouvelle aventure.